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«Fantômes rouges: Chine, la mémoire hantée de la révolution culturelle» de la journaliste Tania Branigan
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Plusieurs millions de morts, des enseignants tués par leurs propres élèves, un dirigeant qui incite la jeunesse à la révolte afin de reprendre le pouvoir, des cadres de l'État forcés à l'exil : la révolution culturelle a été un moment unique de l'histoire chinoise entre 1966 et 1976, qui a profondément marqué le monde entier, mais aussi la Chine actuelle. Un moment de bascule d'une violence inouïe, insufflé par Mao Zedong, et son bras armé, les gardes rouges.
Tania Branigan, ancienne correspondante pour le journal britannique The Guardian s'est plongée dans cette décennie de « révolution idéologique ». Dans son livre Fantômes rouges traduit en français chez Stock (2024), elle retrace les vies brisées par cette décennie et interroge l'héritage ambivalent de cette « révolution » dans la Chine de Xi Jinping.
RFI : Bonjour Tania Branigan. Merci d’avoir accepté l’invitation de RFI.
Tania Branigan : Merci beaucoup de m’avoir invité dans l’émission.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire sur ce sujet, la révolution culturelle ?
Je ne pense vraiment pas que j'ai choisi le sujet, je pense plutôt que le sujet m'a choisi. Et cela s'explique par le fait que la révolution culturelle est partout et nulle part en Chine. Ce n'est pas aussi tabou que par exemple la répression contre les mouvements pro-démocratiques place Tiananmen, mais c'est toujours resté un sujet sensible, de plus en plus surveillé. C'est là juste sous la surface, donc on y est forcément confronté.
Dans mon cas, je déjeunais avec une personne que je connaissais et au moment du café, elle a juste commencé à me dire qu'elle allait chercher le corps de son beau-père, abattu durant la révolution culturelle par des gardes rouges. Et ils ont dit que même s'ils avaient réussi à trouver le village où il avait été détenu, des gens qui le connaissaient à l'époque, quand ils ont demandé où ils pouvaient trouver son corps, les villageois étaient complètement déconcertés. Ils ont dit, « vous savez, il y avait tellement de cadavres à cette époque, comment peut-on savoir lequel est le sien ».
Et durant mon travail de correspondante en Chine pour The Guardian, j'ai constaté à plusieurs reprises que les histoires sur lesquelles je travaillais n'avaient du sens que si on les plaçait dans le contexte des années 1960, car c'est une période tellement cruciale.
Vous avez rencontré aussi bien des victimes que des gardes rouges. Comment est-ce que vous avez réagi en rencontrant ces personnes âgées, mais qui étaient adolescents quand ils ont commis ou subi ces crimes ?
Je pense que deux éléments sont vraiment essentiels. Tout d'abord, c'est qu'il est très difficile de penser la révolution culturelle en termes de victimes et de coupables. C'est l'une des choses qui rend ce moment aussi inhabituel. De nombreuses personnes étaient à la fois victimes et coupables. Parfois, certains persécutaient les autres, parce qu'ils avaient peur de ce qui pouvait leur arriver à eux-mêmes ou à leur famille. Ou bien, pour les derniers moments de la révolution culturelle, se vengeaient de la façon dont ils avaient été traités. Et du fait de toutes les campagnes politiques, des évolutions, les gens pouvaient vite se retrouver du mauvais côté de l'histoire.
Votre récit se construit avec des personnages clé, notamment celui d'un compositeur, M. Wang. Sa vie montre comment les lignes rouges ne cessent d'évoluer. Parfois, ses prises de position lui valent une forte répression, à d'autres moments, elles sont tolérées. Où sont les lignes rouges dans la Chine d'aujourd'hui ?
Dans les années qui ont suivi la révolution culturelle, au fur et à mesure que les choses s'ouvraient, il y avait un bouillonnement intellectuel et créatif extraordinaire. Évidemment, il n'y a jamais eu de liberté totale : le Parti a toujours cherché à contrôler la culture, la pensée intellectuelle. Et c'est de plus en plus le cas ces dernières années, même avant l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, mais très clairement aux alentours de 2011, 2012, quand il a pris la direction du pays, nous avons vu ces sujets être de plus en plus contrôlés.
L'espace pour discuter des idées, pas seulement politiques, mais aussi les idéaux sociaux, la façon dont les gens interagissent, de la culture, est devenu nettement plus restreint en Chine dans la dernière décennie.
Certains cadres actuels du parti, dont la famille de Xi Jinping, ont été victimes de la révolution culturelle, ont vu leurs parents être purgés, ont été eux-mêmes envoyés à la campagne. Pourtant, ils continuent à jouer avec le souvenir de ce moment, font allusion à des slogans de l'époque et parlent de cet imaginaire. Qu'est-ce que ce moment évoque pour les jeunes générations ?
Je pense que beaucoup de jeunes n'y connaissent pas grand-chose. Mais comme vous le dites, ce qui est intéressant, c'est que les gens au sein du parti, et certainement Xi Jinping, ont été en mesure de s'emparer de cette expérience de la révolution culturelle et d'une partie de la nostalgie qui l'entoure. Et ils ont utilisé ce récit de façon très efficace politiquement. Comme ils ne parlent pas des raisons qui ont entraîné la révolution culturelle ou des victimes, ce qui reste dans le récit collectif, c'est l'histoire de Xi Jinping qui est envoyé à la campagne travailler aux côtés des gens ordinaires, des fermiers, capable de survivre à une période difficile. Et il parle de cela comme le moment où il est devenu un adulte et un homme.
Le récit dominant pour la majorité des Chinois, qui est en partie vrai et assez fondamental, c'est que contrairement à la plupart des dirigeants occidentaux, ici, vous avez un dirigeant qui a travaillé la terre avec des gens ordinaires. Il sait que la vie est dure. Et c'est aussi quelqu'un qui a la puissance d'affronter les moments difficiles. C'est une histoire évidemment très policée, mais qui, je pense, reste tout de même convaincante pour certains.
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Plusieurs millions de morts, des enseignants tués par leurs propres élèves, un dirigeant qui incite la jeunesse à la révolte afin de reprendre le pouvoir, des cadres de l'État forcés à l'exil : la révolution culturelle a été un moment unique de l'histoire chinoise entre 1966 et 1976, qui a profondément marqué le monde entier, mais aussi la Chine actuelle. Un moment de bascule d'une violence inouïe, insufflé par Mao Zedong, et son bras armé, les gardes rouges.
Tania Branigan, ancienne correspondante pour le journal britannique The Guardian s'est plongée dans cette décennie de « révolution idéologique ». Dans son livre Fantômes rouges traduit en français chez Stock (2024), elle retrace les vies brisées par cette décennie et interroge l'héritage ambivalent de cette « révolution » dans la Chine de Xi Jinping.
RFI : Bonjour Tania Branigan. Merci d’avoir accepté l’invitation de RFI.
Tania Branigan : Merci beaucoup de m’avoir invité dans l’émission.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire sur ce sujet, la révolution culturelle ?
Je ne pense vraiment pas que j'ai choisi le sujet, je pense plutôt que le sujet m'a choisi. Et cela s'explique par le fait que la révolution culturelle est partout et nulle part en Chine. Ce n'est pas aussi tabou que par exemple la répression contre les mouvements pro-démocratiques place Tiananmen, mais c'est toujours resté un sujet sensible, de plus en plus surveillé. C'est là juste sous la surface, donc on y est forcément confronté.
Dans mon cas, je déjeunais avec une personne que je connaissais et au moment du café, elle a juste commencé à me dire qu'elle allait chercher le corps de son beau-père, abattu durant la révolution culturelle par des gardes rouges. Et ils ont dit que même s'ils avaient réussi à trouver le village où il avait été détenu, des gens qui le connaissaient à l'époque, quand ils ont demandé où ils pouvaient trouver son corps, les villageois étaient complètement déconcertés. Ils ont dit, « vous savez, il y avait tellement de cadavres à cette époque, comment peut-on savoir lequel est le sien ».
Et durant mon travail de correspondante en Chine pour The Guardian, j'ai constaté à plusieurs reprises que les histoires sur lesquelles je travaillais n'avaient du sens que si on les plaçait dans le contexte des années 1960, car c'est une période tellement cruciale.
Vous avez rencontré aussi bien des victimes que des gardes rouges. Comment est-ce que vous avez réagi en rencontrant ces personnes âgées, mais qui étaient adolescents quand ils ont commis ou subi ces crimes ?
Je pense que deux éléments sont vraiment essentiels. Tout d'abord, c'est qu'il est très difficile de penser la révolution culturelle en termes de victimes et de coupables. C'est l'une des choses qui rend ce moment aussi inhabituel. De nombreuses personnes étaient à la fois victimes et coupables. Parfois, certains persécutaient les autres, parce qu'ils avaient peur de ce qui pouvait leur arriver à eux-mêmes ou à leur famille. Ou bien, pour les derniers moments de la révolution culturelle, se vengeaient de la façon dont ils avaient été traités. Et du fait de toutes les campagnes politiques, des évolutions, les gens pouvaient vite se retrouver du mauvais côté de l'histoire.
Votre récit se construit avec des personnages clé, notamment celui d'un compositeur, M. Wang. Sa vie montre comment les lignes rouges ne cessent d'évoluer. Parfois, ses prises de position lui valent une forte répression, à d'autres moments, elles sont tolérées. Où sont les lignes rouges dans la Chine d'aujourd'hui ?
Dans les années qui ont suivi la révolution culturelle, au fur et à mesure que les choses s'ouvraient, il y avait un bouillonnement intellectuel et créatif extraordinaire. Évidemment, il n'y a jamais eu de liberté totale : le Parti a toujours cherché à contrôler la culture, la pensée intellectuelle. Et c'est de plus en plus le cas ces dernières années, même avant l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, mais très clairement aux alentours de 2011, 2012, quand il a pris la direction du pays, nous avons vu ces sujets être de plus en plus contrôlés.
L'espace pour discuter des idées, pas seulement politiques, mais aussi les idéaux sociaux, la façon dont les gens interagissent, de la culture, est devenu nettement plus restreint en Chine dans la dernière décennie.
Certains cadres actuels du parti, dont la famille de Xi Jinping, ont été victimes de la révolution culturelle, ont vu leurs parents être purgés, ont été eux-mêmes envoyés à la campagne. Pourtant, ils continuent à jouer avec le souvenir de ce moment, font allusion à des slogans de l'époque et parlent de cet imaginaire. Qu'est-ce que ce moment évoque pour les jeunes générations ?
Je pense que beaucoup de jeunes n'y connaissent pas grand-chose. Mais comme vous le dites, ce qui est intéressant, c'est que les gens au sein du parti, et certainement Xi Jinping, ont été en mesure de s'emparer de cette expérience de la révolution culturelle et d'une partie de la nostalgie qui l'entoure. Et ils ont utilisé ce récit de façon très efficace politiquement. Comme ils ne parlent pas des raisons qui ont entraîné la révolution culturelle ou des victimes, ce qui reste dans le récit collectif, c'est l'histoire de Xi Jinping qui est envoyé à la campagne travailler aux côtés des gens ordinaires, des fermiers, capable de survivre à une période difficile. Et il parle de cela comme le moment où il est devenu un adulte et un homme.
Le récit dominant pour la majorité des Chinois, qui est en partie vrai et assez fondamental, c'est que contrairement à la plupart des dirigeants occidentaux, ici, vous avez un dirigeant qui a travaillé la terre avec des gens ordinaires. Il sait que la vie est dure. Et c'est aussi quelqu'un qui a la puissance d'affronter les moments difficiles. C'est une histoire évidemment très policée, mais qui, je pense, reste tout de même convaincante pour certains.
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