La chute de Bachar el-Assad, un revers militaire pour la Russie en Méditerranée
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La chute éclair du régime de Bachar el-Assad constitue un revers immense pour la Russie qui possédait deux importantes bases militaires en Syrie : le port de Tartous et la base aérienne voisine de Hmeimim. La perte de ces deux emprises est un revers géopolitique pour le Kremlin, et pose la question de la présence militaire russe en Méditerranée.
Samedi 9 et dimanche 10 décembre : trois frégates et un sous-marin russes quittent précipitamment le port de Tartous. Officiellement, compte tenu des soubresauts politiques syriens, c’est une mesure de sauvegarde, mais pour les observateurs, la manœuvre s’apparente plus à un sauve-qui-peut général : les Russes évacuent en urgence Tartous, leur seule et unique base navale en Méditerranée. Évacuation également de la base aérienne voisine de Hmeimim. Un naufrage spectaculaire, car les bases syriennes sont la clé de voute des ambitions militaires de Moscou en Méditerranée et au-delà l'Afrique, souligne Vincent Tourret de l’Université de Montréal.
« La base qui hébergeait l'escadron méditerranéen, qui était une flotte détachée en fait de la flotte de la mer Noire russe, assurait en fait, sa reconnaissance en avant, c'était comme une sorte d'avant-poste si vous voulez, pour la dissuasion russe de façon générale et notamment pour menacer le flanc sud de l'Otan, explique l'universitaire. Et le second point, c'est effectivement la projection vers l'extérieur, notamment pour du matériel lourd. C'est un hub extrêmement pratique vers l'Afrique et donc vers les tentatives russes d'y créer des États satellites ou clients, notamment avec des groupes paramilitaires ou privés de type Wagner ou maintenant Africa corps ».
La flotte russe, coupée de la Mer Noire depuis le début de la guerre en Ukraine et la fermeture des détroits turcs, était déjà isolée en Méditerranée, les rotations de navires s'effectuent depuis la flotte du Nord, obligeant les navires de guerre à de longs transits. Sans base navale, il sera impossible pour cette flotte de se maintenir en Méditerranée. Le Kremlin va donc faire feu de tout bois pour conserver Tartous analyse le directeur de recherche à l’Iris (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) et diplomate Jean de Gliniasty. «Tartous est en plein réduit alaouite (région côtière dont est originaire le président déchu Bachar el-Assad). La base aérienne de Hmeimim est à 20 km de Lattaquié, donc c'est la zone que pour l'instant HTS (Hayat Tahrir al-Sham, groupe rebelle islamiste de la guerre civile syrienne, dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, qui a pris le contrôle de Damas) n'a pas conquise et ça va être difficile. Je pense que ce n’est pas encore perdu pour les Russes. Ils doivent s'échiner, s'efforcer, de négocier de tous côtés pour essayer de garder cette base parce que c'est leur seule base en Méditerranée ».
Quel point de chute pour la flotte russe en Méditerranée ?
Premier port d’accueil : Tobrouk dans la Libye du Maréchal Haftar proche de Moscou, mais les infrastructures sont limitées et ne permettent pas l’entretien des navires. La flotte russe pourrait donc se tourner vers les ports algériens mieux équipés, mais cette réarticulation en urgence ne sera pas une mince affaire et l’image de la Russie en sort très abimée insiste Vincent Tourret : « Le coût le plus dur, il est surtout, je trouve, symbolique, parce que la Syrie, c'était la première victoire à l'époque, donc 2017, qui devait prouver au monde que la Russie était de retour dans les relations internationales. C'est un désaveu à nouveau de la puissance russe et un désaveu de sa capacité à stabiliser des conflits. La Syrie était censée être la vitrine d'une pacification à la Russe plus efficace, plus réaliste que les tentatives occidentales ».
L’aventure syrienne de Moscou, abonde Jean Pierre Maulny chercheur à l’Iris, se solde par un immense revers. « Les Américains, ont eu l'Afghanistan dans les années 2000. Nous, on a eu Barkhane (Opération militaire française au Sahel 2014-2022) dans les années 2010. Eh bien eux, ils auront la Syrie dans les années 2010 - 2020, c'est-à-dire une opération militaire qui aboutit à un échec pour les Russes comme pour les Américains ou comme pour les Français. Ça, c'est quand même un enseignement qu'il faut retenir ».
La Russie a donc momentanément perdu la main et se retrouve en grande difficulté dans la très stratégique mer Méditerranée.
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